Nghiên cứu đối chiếu tính thời gian trong tiếng Việt và tiếng Pháp Áp dụng phương pháp tiếp cận ngữ dụng-ngữ nghĩa học

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Header Page of 148 UNIVERSITẫ DE HANOI DẫPARTEMENT DẫTUDES POST-UNIVERSITAIRES ẫTUDE CONTRASTIVE DE LA TEMPORALITẫ EN FRANầAIS ET EN VIETNAMIEN Application de lapproche pragmatico-sộmantique THẩSE Prộsentộe par NGUYEN Duc Nam Sous la direction du Professeur VU Van Dai en vue de lobtention du grade de Docteur en linguistique Hanoi, 2014 Footer Page of 148 Header Page of 148 Remerciements Mes remerciements vont dabord au professeur V Vn i qui a acceptộ de diriger mon travail de recherche Je le remercie pour sa patience ainsi que pour ses conseils me permettant de mener bien cette recherche dont lộlaboration est plus longue que dhabitude en raison de mes occupations professionnelles Sans lui, je narriverais pas la finir Je tiens ensuite remercier mes parents et mes proches pour mavoir soutenu moralement et physiquement dans la prộparation de cette thốse Sans eux, je ne pourrais pas lachever Footer Page of 148 Header Page of 148 Attestation sur lhonneur Jatteste sur lhonneur que cette thốse a ộtộ ộlaborộe par moimờme et que les donnộes et les rộsultats prộsentộs sont exacts et nont jamais ộtộ publiộs ailleurs Nguyen Duc Nam Footer Page of 148 Header Page of 148 Table des matiốres Table des matiốres Liste des figures Liste des tableaux Abrộviations Introduction Justification de lộtude ẫtat actuel des recherches 11 Questions de recherche 15 Objectifs et dộlimitation de lộtude 15 Structure de la thốse 17 Mộthodologie de recherche 18 Premiốre partie Cadre thộorique 22 Chapitre 23 1.1 Question du temps Conceptions du temps daprốs Reichenbach (1947), Co Vet (1980) et Comrie (1985) 23 1.2 Conception du temps d'aprốs Klein(1994) 31 1.3 Nature de lintervalle dassertion 33 1.4 Dộtermination de lintervalle dassertion 35 1.5 Bilan du chapitre 37 Aspect 38 2.1 Aspect lexical 38 2.2 Aspect grammatical 43 2.3 Relations entre l'aspect lexical et l'aspect grammatical 46 2.4 Bilan du chapitre 47 Chapitre Footer Page of 148 Header Page of 148 Conclusion de la premiốre partie 48 Deuxiốme partie Analyse de la temporalitộ en franỗais 50 Chapitre Analyse des formes verbales de lindicatif 52 3.1 Prộsent indicatif 52 3.2 Passộ simple 57 3.3 Imparfait 59 3.4 Futur simple 63 3.5 Passộ composộ 64 3.6 Plus-que-parfait 66 3.7 Passộ antộrieur 68 3.8 Futur antộrieur 68 3.9 Bilan du chapitre 69 Analyse du corpus 71 4.1 Description du corpus 71 4.2 Prộsent de lindicatif 77 4.3 Imparfait 80 4.4 Passộ simple 81 4.5 Passộ composộ 82 4.6 Plus -que parfait 84 4.7 Futur simple 85 4.8 Bilan du chapitre 85 Chapitre Conclusion de la deuxiốme partie 87 Troisiốme partie Analyse de la temporalitộ en vietnamien 89 Chapitre 90 5.1 ẫtat de lieu des recherches sur la temporalitộ en vietnamien Premiốre tendance : absence des moyens de reprộsentation du temps et de laspect en vietnamien 5.2 91 Deuxiốme tendance : prộsence des moyens de reprộsentation du temps en vietnamien 5.3 92 Troisiốme tendance : Prộsence des moyens de reprộsentation de l'aspect en vietnamien 94 Footer Page of 148 Header Page of 148 5.4 Quatriốme tendance : Prộsence des moyens de reprộsentation du temps et de l'aspect en vietnamien 5.5 94 Revue des ộtudes contrastives sur la temporalitộ en vietnamien et en d'autres langues 95 5.6 Remarques sur les ộtudes prộcộdentes 101 5.7 Bilan du chapitre 105 Valeurs des marqueurs ôó ằ, ô angằ, ô s ằ et absence des marqueurs 106 6.1 Marqueur ôó ằ 106 6.2 Marqueur ôangằ 113 6.3 Marqueurs ô sằ 118 6.4 Absence des marqueurs 120 6.5 Bilan du chapitre 122 Analyse du corpus en vietnamien 123 7.1 Description du corpus 123 7.2 Rộsultats prộliminaires de lanalyse quantitative 124 7.3 Marqueur ô ó ằ 129 7.4 Groupe ô ó tng ằ 130 7.5 Marqueur ô ang ằ 131 7.6 Marqueur ô sằ 132 7.7 Absence des marqueurs 133 7.8 Bilan du chapitre 135 Chapitre Chapitre Quatriốme partie Analyse contrastive des systốmes de reprộsentation temporelle et aspectuelle des deux langues 136 Objectifs de cette analyse 136 Mộthodologie danalyse contrastive 137 Chapitre Analyse contrastive des deux systốmes de reprộsentation temporelle et aspectuelle en franỗais et en vietnamien 139 8.1 Diffộrences de reprộsentation temporelle 139 8.2 Diffộrences de reprộsentation de laspect grammatical 142 8.3 Moyens de reprộsentation temporelle et aspectuelle 143 Footer Page of 148 Header Page of 148 8.4 Bilan du chapitre 144 Analyse du corpus vietnamien- franỗais 145 9.1 Prộsentation des corpus et paramốtres danalyse 145 9.2 Analyse des corpus vietnamien-franỗais 145 9.3 Analyse des corpus franỗais-vietnamien 150 9.4 Bilan du chapitre 155 Chapitre Conclusion de la quatriốme partie 156 Conclusion gộnộrale 158 Bibliographie 166 Ouvrages en franỗais et en anglais 166 Ouvrages en vietnamien 169 Corpus 170 Annexe 171 Footer Page of 148 Header Page of 148 Liste des figures Figure : Systốme de Co Vet 27 Figure 2: Aspect prospectif 45 Figure : Aspect rộtrospectif 45 Figure : Aspect imperfectif 45 Figure : Aspect perfectif 46 Figure : Aspect aoristique 46 Footer Page of 148 Header Page of 148 Liste des tableaux Tableau : Systốme de Reichenbach 24 Tableau : Catộgorisation des procốs d'aprốs Vendler 39 Tableau : Autres possibilitộs 39 Tableau : Modification du systốme de Vendler 42 Tableau : Catộgorisation des procốs d'aprốs M.B Olsen 42 Tableau : Rộcapitulation des valeurs temporelles et aspectuelles des formes verbales en franỗais 70 Tableau : Grille danalyse de la temporalitộ en franỗais 72 Tableau : Rộpartition des catộgories de procốs 73 Tableau : Rộpartition des formes verbales dans le corpus 73 Tableau 10 : Rộpartition des ộchantillons suivant les catộgories de textes 73 Tableau 11 : Rộpartition des ộchantillons suivant les catộgories de proposition 74 Tableau 12 : Rộpartition des formes verbales en fonction des catộgories de procốs 74 Tableau 13 : Rộpartition des formes verbales en fonction des valeurs temporelles 74 Tableau 14 : Rộpartition des formes verbales en fonction de leurs valeurs aspectuelles 75 Tableau 15 : Rộpartition des formes verbales en fonction de leurs interprộtations 75 Tableau 16 : Rộpartition des valeurs temporelles et aspectuelles du passộ composộ 84 Tableau 17 : Rộpartition des marqueurs suivant les genres de texte (statistiques faites par Nguyen Kim Than) 120 Tableau 18 : Rộpartition des ộchantillons par types de texte 124 Tableau 19 : Rộpartition des marqueurs suivant les types de texte 124 Tableau 20 : Rộpartition par types de proposition 125 Tableau 21 : Taux dabsence des marqueurs suivant les types de proposition 125 Tableau 22 : Rộpartition des types de procốs 126 Tableau 23 : Rộpartition des marqueurs par types de procốs 126 Tableau 24 : Rộpartition des circonstanciels de temps 126 Tableau 25 : Rộpartition des circonstanciels de temps par types de texte 126 Tableau 26 : Rộpartition des circonstanciels de temps par marqueurs 127 Tableau 27 : Rộpartition des marqueurs prộverbaux 127 Tableau 28 : Rộpartition des valeurs temporelles des marqueurs prộverbaux 127 Footer Page of 148 Header Page 10 of 148 Tableau 29 : Rộpartition des marqueurs par valeurs aspectuelles 127 Tableau 30 : Rộpartition des emplois des marqueurs par interprộtations 128 Tableau 31 : Rộpartition des procốs sans marqueurs suivant leurs valeurs temporelles 134 Tableau 32 : Rộpartition des procốs sans marqueurs suivant leurs valeurs aspectuelles 134 Tableau 33 : Rộpartition des procốs sans marqueurs suivant leurs interprộtations temporelles 134 Tableau 34: Correspondance entre les marqueurs prộverbaux en vietnamien et les formes de lindicatif en franỗais 146 Tableau 35 : Rộpartition des formes verbales correspondant au ô ó ằ par types de procốs 146 Tableau 36 : Rộpartition les formes correspondant aux ộchantillons sans marqueurs en vietnamien suivant les types de procốs 149 Tableau 37 : Correspondants des formes verbales de lindicatif franỗais aux marqueurs vietnamiens 150 Tableau 38 : Rộpartition des marqueurs vietnamiens suivant les types de procốs des ộchantillons source en franỗais 151 Footer Page 10 of 148 Header Page 184 of 148 Ch c nhiu gii bit n vi nim ỏi m, yờu mn Ch tr nờn giu cú Vy m ch ch mt mỡnh Nhiu ngi cho rng tỡnh yờu ó húa ỏ lũng ch Ch b lónh cm sau cỳ sc b phn bi Ch mm ci Khụng hiu c ch Sau ny, mt ln i cụng tỏc nc ngoi, vụ tỡnh ch gp li Carrot Anh vui mng khụng k xit nhỡn thy ch xinh p, khe mnh Anh ỏi ngi by t mi quan tõm v s mun mng ca ch Khỏnh mm ci li anh: "Bit lm c! Tha ụng Ngn ln, tụi cỏm n ụng v ngha c cao p ó dỏm ng v phớa chỳng tụi Bi bỏo ca ụng lỳc ú cú mt ting vang rt ln." Carrot sit cht tay Khỏnh nng nhit: "Gp li cụ, tụi cú iu kin kim chng d cm ca mỡnh l ỳng Tụi s tr li thm t nc cụ mt ngy gn õy" Carrot cao ln p trai Dự ó ng tui, anh gi c dỏng v nhanh nhn, linh hot ca mt nh bỏo cú tm c S hi ng bt ng ó lm thc dy lũng h mt quỏ kh au thng v sụi ng, lm ny sinh nhng tỡnh cm mi m Ch t hi: Rong rui th no ch ch gp Carrot Paris, ni ch ang nghiờn cu mt ti Silicat Trỏi t ny quỏ cht! Trỏi t ny quỏ cht, chi Khỏnh v Trung cựng mt thnh ph Nhiu ờm cú vic v khuya, ch ó tng ro bc ngang ngụi nh anh Ca cng khúa cht, im m v mt Cn phũng anh sỏng ốn "Sao gi ny Trung cha ng, thao thc ?" Ch mm ci ch nho mỡnh: "n b quỏ, a cm khụng cn thit! "ụi ln, Khỏnh trụng thy Trung lỏi xe a v i chi Giu cú, cụng danh ngt tri, v p xinh, cũn lõu mi thao thc Cú l Trung l ngi n ụng hnh phỳc nht trờn i , thỡ chỳc mng cho anh, mi ngi mt cuc i, mt s phn Ch r sang li khỏc hoc gi cao ly bia chỳc bn bố, phi cho anh Mt hụm c bỏo, ch git mỡnh vỡ hng ch in m en trờn trang nht Mt v ỏn chim ot ti sn, ngi b truy t tũa li l v ca Trung Ch buụng t bỏo, nghe au tht ngc, bn thn mt lỳc lõu Ch nghe au m khụng thy khoỏi trỏ, h hờ Lỳc y, ch hiu mỡnh cũn yờu anh Phi, lm ch cú th quờn nhng ngy thỏng c, dự li th ó nộm tr li ỏnh trng, dự cuc i ch ó bc sang mt trang khỏc Trỏi tim ch cũn nhng cn au nhc õm thm, ch ó khụng th r sch tt c, quỏ kh v k nim iu gỡ ó khin ch n vi phiờn tũa ny sỏng nay? Ch khụng hiu, cng khụng dỏm lý gii Anh khụng nhn ch, u cỳi gc v n phm nhõn ri x Footer Page 184 of 148 Header Page 185 of 148 nc mt Nhng git nc mt ln di xung ụi gũ mỏ lỳc no cng hõy hõy ca ch ụi mỏ o t ca ngi ph n m t bui tr v t lin, trỏi tim Khỏnh ó au tht mt ni bun nh mnh ễi, cuc sng ờm m m cng quỏ khc lit Cú th ngi ph n y khụng ngh rng nng s phm ti, sc trt ca ng tin cun nng i lỳc no khụng bit, anh cng khụng bit Phiờn tũa kt thỳc N phm nhõn b kt ỏn tỏm nm tự giam Nng ũa khúc nh ma bc Khỏnh cng nghe au nhúi ngc Ri anh s sng vi ni cụ n, nuụi hai nh v mang trờn vai sc nng ca quỏ kh Quỏ kh ho hựng cha tr c, li chng thờm mt quỏ kh au xút khỏc Bt giỏc, nc mt ch tro lm m ụi trũng kớnh Nhng git nc mt ri lng l, lm anh bit c Ln súng ngi trn hi trng, cựng nhng li bỡnh phm, phn n v xút xa Khỏnh l ngi cui cựng ri tũa ỏn Cn ma va mi tnh Giú lm ri nhng git nc trờn tng me gi lờn mt d õm bun khú t Di nhng tng cõy ny, ch v anh cng ó tng sỏnh bc bờn nhau, lỏ me ri y v mt ng dng nh cũn õm vng bi ca xung ng xa c Anh khụng nhn ch gia dũng i, dũng ngi ang lao v phớa trc o t, xụ ngó Li th cng khụng cũn Ch s nh nhừm Nhng khụng, di búng rp ca quỏ kh, ch nghe trỏi tim mỡnh tru nng Nhng thụi, bit c ú l cuc i, nhng cn ma s sch bi bm, thi gian s hn gn nhng vt thng Ri anh s chu ng nh ch ó tng chu ng, nhng ch khụng th b mc anh trỏi tim n b bao dung v kiờu hónh Ch dn ga, chic xe lao vun vỳt v phớa trc xi Footer Page 185 of 148 Header Page 186 of 148 Annexe Tram Huong Elle choisit un coin discret de la salle et s'assit Avec ses lunettes de soleil, son costume gris põle, elle espộrait qu'il ne la reconnaợtrait pas Elle esquissa alors un sourire amer en rộalisant que ses prộcautions ộtaient vaines car il y avait longtemps qu'il ne la reconnaissait plus et aujourd'hui moins encore, dans la situation embarrassante ou il se trouvait La Cour tenait aujourd'hui audience pour une affaire exceptionnelle Aussi il y avait foule L'accusộe ộtait une femme d'une quarantaine d'annộes, au visage plein, rose et frais, respirant la santộ Dans son habit d'accusộe, elle gardait encore une certaine grõce et une certaine noblesse dans son comportement Ses proches ộtaient assis sur la rangộe gauche de la barre : une mốre au visage noyộ de larmes, un pốre la tờte affaissộe, aux traits figộs par la douleur, un mari au port ộlộgant d'intellectuel, plongộ dans l'amertume et la honte "C'est donc toi !" Les mots jaillirent, ộtouffộs, de sa bouche Comme il avait changộ depuis qu'elle l'avait quittộ, ou plus exactement depuis qu'il l'avait abandonnộe ! Et pourtant, mue par quelque chose de trốs profond en elle, elle avait laissộ l son usine de silicate et ses commandes urgentes, ses innombrables rendez-vous d'affaires, pour venir cette audience du Tribunal Par curiositộ ? Nullement Trop de tempờtes ộtaient passộes dans sa vie pour que quelque chose puisse encore la surprendre Par ressentiment ? Non plus Elle ộprouvait seulement de la pitiộ pour lui, pour cette femme la barre, pour elle-mờme Quelque chose de secret s'ộtait rộveillộe en elle, et elle ne pouvait se l'expliquer Bien sỷr, elle avait lait des efforts surhumains pour dominer sa souffrance afin de continuer vivre, exister sans lui, mais les souvenirs ne sont pas faciles ộteindre Elle savait que les jours qu'elle ộtait en train de vivre ộtaient nộs du passộ Comment pouvait-elle oublier ces annộes d'intenses activitộs, ces annộes d'une pure et merveilleuse beautộ pendant lesquelles ils avaient tout partagộ, joies et peines, affrontant mờme la mort? Et ces jours sans fin ou, plongộe dans un abợme de souffrance, elle avait xii Footer Page 186 of 148 Header Page 187 of 148 dỷ chercher la seule lumiốre qui pourrait ộclairer sa vie? Est-ce l la raison qui l'avait poussộe venir silencieusement ici, l'insu de tous ? De la chaire du Prộsident, les questions fusaient : Aviez-vous peur d'investir tous vos biens dans ce crộdit ? Non Pourquoi ? Parce qu'en ce temps-l, beaucoup de gens faisaient de mờme Quand vous avez obtenu ces crộdits, personne ne s'est mộfiộ de vous ? Non Parce qu'ils connaissent bien ma famille Je jouissais de leur entiốre confiance L'idộe ne vous est-elle jamais venue que vous avez abusộ du prestige de votre mari et de la confiance des gens ? Non Parce que j'ai voulu aussi agir dans leur intộrờt Malheureusement, tout ne s'est pas passộ comme je le dộsirais, l'affaire a fait faillite et tout s'est effondrộ Les juges se tournaient maintenant vers les proches de laccusộe : Lorsque le niveau de vie de la famille a subitement augmentộ, en avez-vous cherchộ lorigine ? En ce moment, j'ộtais trop pris par mon travail, aussi n'ai-je pas pu consacrer du temps ma famille Mờme pas pour savoir ce que votre femme faisait ? Je n'ộtais pas au courant, je n'y pas pris part La foule se pressait, le verdict ộtait prononcộ, l'avocat s'ộvertuait mais Khanh ne voulait plus ộcouter "Je n'ộtais pas au courant, je n'y pas pris part" Elle ộtait douloureusement surprise de la dộnộgation Pour elle, c'en ộtait assez Elle ộprouva une soudaine compassion pour cette femme debout la barre Tout au long de ces dures annộes, elle l'avait haie, mộprisộe, mais aujourd'hui que cette derniốre ộtait la barre, elle n'ộprouvait pour elle que de la pitiộ Le peu d'affection qui ộtait encore restộ en elle pour celui qu'elle avait aimộ se volatilisa Trung, comment peut-il en ờtre ainsi ? Prise de peur, elle fixa le vide devant elle Elle s'efforỗa de faire un retour en arriốre dans son passộ, de se xiii Footer Page 187 of 148 Header Page 188 of 148 cramponner de toutes ses forces quelque chose, comme elle l'avait fait tant de fois auparavant Oh ! Qu'elle ộtait belle, cette nuit de pleine lune oự ils avaient ộchangộ leurs serments ! Au cours des derniốres annộes soixante, Khanh et Trung avaient toujours ộtộ cụte cụte dans les mouvements ộcolier et ộtudiant Khanh avait renoncộ une bourse au Japon, en partie parce qu'elle voulait continuer militer dans le mouvement, en partie aussi parce qu'elle ne voulait pas quitter Trung En ce temps-l, leurs jeunes curs ộtaient embrasộs, le soleil de la vộritộ brillait sur leurs tờtes Leurs poitrines rộsonnaient des chants appelant la lutte, ils avaient tout partagộ, les grenades lacrymogốnes, les jets d'eau, les fusộes et roquettes des pelotons de rộpression Trung, avec son calme et son esprit d'initiative, et Khanh, avec son ardeur et sa puretộ, ộtaient devenus les figures de proue de l'Association Gộnộrale des ộtudiants, entraợnant derriốre eux toute une jeunesse enthousiaste La nuit, la ville retentissait du grondement des canons, les massacres perpộtrộs ộbranlaient la conscience de l'humanitộ, les bombes labouraient la douce terre natale, et les jeunes haùssaient la guerre et avaient soif de paix Mais en ce temps-l quiconque osait parler de paix ộtait coupable Et pourtant, Khanh parla de cette chose sacrộe, une nuit de feu de camp avec les ộtudiants Devant la flamme crộpitante, les yeux de Khanh ộtincelaient, sa voix vibrait, chaude et ardente : "La paix n'est pas un fruit dộfendu, elle n'appartient pas l'ộtranger, ce n'est pas un bien privộ Tout Vietnamien aimant son pays a le droit d'aimer la paix Qui parmi nous n'a pas rờvộ qu'un jour : "Les prisons closes soient livrộes la mousse", et que : "Nous revenions sur le chemin couvert de feuilles mortes Pour contempler les arbres et les statues de pierre qui renaissent la vie" (Poốme de Ngo Kha.) Que la Paix revienne et nous aurons tout : jeunesse, bonheur, savoir, bien-ờtre L'ộtranger doit se retirer du Vietnam pour que nous puissions parler de paix " Khanh n'avait pas fini de parler que la police fit irruption Ce fut une mờlộe gộnộrale Des bras entrelacộs protộgeaient Khanh, les pans de son ao dai ộtaient en piốces Tan, un ộtudiant en philo, garỗon robuste qui jusque-l s'ộtait tenu l'ộcart de toute activitộ de l'Association prit soudain une attitude d'une ộtonnante fermetộ Tirant Khanh par la xiv Footer Page 188 of 148 Header Page 189 of 148 main, il entraợna vers la sortie de l'Universitộ, et la poussa dans le jardin d'une grande villa appartenant un haut fonctionnaire du rộgime, lui enjoignant d'un ton pressộ : "Sauve-toi par-l, une voiture viendra pour t'emmener" Dans la fumộe des grenades lacrymogốne, Khanh sentit sa gorge se nouer d'ộmotion devant l'engagement de Tan C'ộtait une nuit de pleine lune Khanh et Trung ộtaient assis l'un contre l'autre sur la terrasse et se parlaient voix basse La lune resplendissait sur leurs jeunes visages Khanh regardait avec une tendre sollicitude le bras droit plõtrộ du jeune homme Il lui caressa les cheveux et dit doucement : Tu dois entrer dans la clandestinitộ, ma chộrie L'ennemi t'a repộrộe Khanh mordit lộgốrement sa lốvre infộrieure et resta silencieuse Trung continua : Tu dois t'en aller avant que quelque chose de fõcheux ne t'arrive La jeune fille se rebiffa : Je pense que plus que jamais je dois rester Le mouvement est en plein progression Mon dộpart entraợnerait de regrettables consộquences Je suis sure que les ộtudiants me soutiendront et me protộgeront Trung durcit le ton : Je le sais bien Mais le danger est aussi l, qui te guette ! Khanh enfouit sa tờte dans la poitrine du jeune homme et ộclata en sanglots : Mais comment puis-je t'abandonner en ce moment ? La police t'a cassộ un bras, je suis le bras qui te reste Je ne peux pas imaginer comment tu vas pouvoir te dộbrouiller sans moi " Trung se tut Khanh avait dit vrai Il ộtait pourchassộ par la police et devait vivre dans la clandestinitộ Le loyer de sa chambre, ses repas, tout lui ộtait assurộ par Khanh Elle avait dỷ donner des cours particuliers, broder, confectionner des vờtements pour pourvoir aux besoins de Trung Comme elle ộtait belle, la jeune fille qu'il aimait ! Belle non seulement du fait de sa chevelure longue et soyeuse, ses grands yeux limpides, son nez bien droit, ses lốvres pleines, son front pur, mais surtout cause de son cur bon, gộnộreux et fidốle Comme il avait besoin delle ! Si elle devait partir, sa vie en serait si bouleversộe ! Comme il laimait ! Il l'entoura soudain de son bras restộ libre et baisa ses xv Footer Page 189 of 148 Header Page 190 of 148 cheveux Levant la tờte il regarda la lune qui ộtait dans toute sa splendeur Khanh la regarda aussi Une exclamation jaillit de ses lốvres : Oh, quelle belle lune ! C'est si rare d'avoir un si beau clair de lune Saigon, pas vrai ? Sa voix ộtait ộtrangement douce Il prit soudain la main de Khanh, la serra fortement dans la sienne et la posa sur son cur Quoi qu'il arrive dans la vie, nous nous aimerons toujours, et ne nous trahirons jamais, tu es daccord ? Faisons-en le serment, sous cette lune ! Khanh le fixa d'un regard intense Il rộpộta : En fais-tu le serment avec moi ? Khanh ne dit toujours rien Elle laissa tomber sa tờte sur la poitrine du jeune homme, des larmes de bonheur jaillirent de ses yeux Pourquoi devait-elle jurer, bien entendu que jamais elle ne le trahirait, ne serait-ce qu'en pensộe Jamais, car leur amour ộtait indissolublement liộ une cause sacrộe, et trahir celui qu'elle aimait reviendrait trahir son pays Son amour en lui avait plus de poids que n'importe quel serment La lune ộtait si belle, cette nuit-l Mais Khanh et Trung furent arrờtộs Le hasard les jeta dans deux prisons diffộrentes, loin l'un de l'autre Le serment toujours vivant dans leurs pensộes et le cur de Khanh lui donna des forces surnaturelles pour endurer les tortures sans nom, les maigres rations de riz moisi, de poissons secs pourris, l'obscuritộ des cellules, les horreurs des "cages tigres" au bagne de Con Dao* ou elle fut incarcộrộe pendant de longues et terribles annộes Et cependant, elle ne s'ộtait jamais sentie seule Soutenue par les ailes de l'amour, elle avait surmontộ l'effroyable rộalitộ, faite de sang et de larmes, pour regarder vers l'avenir Privộe d'eau, elle s'ộtait baignộe dans les regards dộbordants d'amour de Trung, chacune de leurs brốves rencontres Les regards ộchangộs furtivement rappelaient leur serment : non jamais ils ne se trahiraient ! "Non, jamais, aie confiance en moi !", se rộpộtait-elle Sa soif de le revoir, elle l'ộtanchait en brodant le mouchoir et la paire de taies d'oreillers de leurs noces ce serment grõce auquel elle ne s'ộtait jamais sentie seule ! Ils ộtaient proches l'un de l'autre dans chacun de leurs pensộes Ils ne se voyaient pas mais se rencontraient toujours ce serment qui lui a donnộ une force invincible pour survivre xvi Footer Page 190 of 148 Header Page 191 of 148 l'enfer des prisons et des bagnes ! Son cur vibrait encore des paroles dites un jour : "Il nous faut avoir la Paix, avec elle, nous aurons tout !" Et la Paix revint Lorsque le bateau ramenant les prisonniers rescapộs de Con Dao accosta et qu'elle mit pied sur la terre ferme du pays natal, Khanh sentit des larmes de bonheur jaillir de ses yeux Ils furent entourộs, ộtreints dans des bras dộbordants de joie, d'amour, de reconnaissance Khanh tomba dans les bras de ses anciens camarades ộtudiants qui se la disputaient, l'embrassant avec fougue au milieu de clameurs de joie et d'un tonnerre d'applaudissements Les larmes se mờlaient aux rires, la joie des retrouvailles La Paix, la Paix est enfin revenue ? Elle n'en croyait pas ses yeux Se frottant les yeux, elle regarda Une nuộe de jeunes ộcoliốres, toutes en ao dai blanc, des bouquets la main, accourut leur rencontre Khanh se frotta encore les yeux Oh, comme ces jeunes filles ộtaient fraợches et jolies dans leurs tuniques dont les pans flottaient si gracieusement au vent ! Comme les fleurs ộtaient belles ! Soudain la scốne rộvộla un poignant contraste entre d'un cụtộ, le cortốge de prisonniốres aux corps dộcharnộs, la peau dessộchộe et jaunie, aux yeux enfoncộs dans leurs orbites, dans leurs hardes d'un gris terne, et de l'autre, ces jeunes ộcoliốres, telles des nymphettes, fraợchement ộcloses la vie Dans le groupe se distinguait une jeune fille, svelte, aux joues roses creusộes de jolies fossettes, aux cheveux longs tombant au ras des ộpaules "Loan!" Khanh s'exclama voix basse, mais l'appel s'ộtouffa dans sa gorge Loan ộtait la fille unique d'un cadre dirigeant du mouvement ộtudiant Quand ils militaient dans la ville, Khanh et Trung ộtaient venus chez eux cette ộpoque, Loan ộtait une petite fille, innocente et cõline, qui adorait les bonbons Il y avait seulement quelques annộes de cela et Dieu qu'elle avait grandi ! Loan remit son bouquet de fleurs rouge vif entre les mains de Trung, un sourire timide aux lốvres, ses yeux rayonnant de joie de le revoir Khanh surprit l'ộclair de joie qui illumina une seconde les yeux du jeune homme ; mais ceux-ci reprirent tout de suite leur expression sộrieuse et indiffộrente habituelle Khanh sentit soudain son cur se serrer douloureusement Elle eut l'impression de recevoir une gifle d'une main invisible et chancela Une compagne de prison la serra dans ses bras dộcharnộs Khanh cacha son visage sur la poitrine plate de son amie "Qu'y a-t-il, Khanh - s'ộcria celle-ci - pourquoi pleures-tu, n'es-tu pas heureuse que nous soyons libộrộes? La paix est revenue, Khanh !" xvii Footer Page 191 of 148 Header Page 192 of 148 Les consolations de son amie ne firent que redoubler ses larmes "Tant pis, laisse-moi pleurer ! Quel bonheur de pouvoir pleurer tout son soul ! Quand on ộtait en prison, nous devions ờtre dur et froid comme l'acier, pour faire face l'ennemi, mais maintenant laissons-nous redevenir nous-mờmes, de simples femmes faibles et sensibles Nos larmes de bonheur sont mờlộes d'un goỷt amer que seules les femmes qui ont passộ par tout ce que nous avons connu peuvent comprendre Tu me fais des reproches mais il y a aussi de la tristesse dans tes yeux, seulement tu ne le dis pas !" Les compagnes des annộes de misốre ộchangeaient des yeux ces pensộes secrốtes Autour de Khanh, il n'y avait que des visages ộmaciộs, livides, des tờtes aux cheveux clairsemộs qui ộtaient tombộs au fil des annộes vộcues dans l'enfer des geụles Ces femmes dộfigurộes avaient jadis ộtộ des jeunes filles fraợches et jolies l'appel du pays, elles s'ộtaient engagộes dans la lutte, prờtes donner leur vie, que dire leur jeunesse La paix est revenue, la paix l ! Les clameurs de joie leur firent prendre conscience quelles ộtaient en train de revenir la vie normale avec ses joies et ses peines et, cela ộveilla au trộfonds de leur õme une immense tristesse Tout d'un coup, elles rộalisốrent avec un tressaillement leur dộchộance physique La beautộ, quelle femme n'ộprouverait pas de regrets voir la sienne perdue jamais ? Lui ộtait tout l'ivresse de la victoire A-t-il de ces "pensộes de femme" comme moi ? se demandait-elle, le visage inondộ de larmes incontrụlables La paix Un tournant dans la vie de Trung, qui se lanỗa dans des activitộs tout fait nouvelles Il assista des confộrences, vit beaucoup de gens, fit des voyages d'ộtudes en Union soviộtique, RDA, Tchộcoslovaquie, Pologne Il reprit trốs vite des forces Avec sa beautộ virile, un don innộ de la parole, il exerỗait un magnộtisme puissant auprốs des jeunes - tant garỗons que filles - qui l'ộcoutaient avec exaltation et devint leur idole Elle rộalisa avec douleur qu'il ộtait devenu un acteur inconnu d'elle Ce n'ộtait plus "son" Trung, qu'elle avait connu et aimộ dans les jours de lutte et de rộpression On allumait aussi des feux de camps oự plus d'une fois ils ộtaient tous deux invitộs, mais il lui semblait toujours qu'un mur invisible les sộparait Il redoutait son regard trop incisif, un brin ironique Khanh, elle, se sentait mal l'aise devant l'ộloquence un peu thộõtrale de Trung Les feux de camp rougeoyaient dans la nuit mais dans les yeux de Khanh ils ne brillaient que d'une lueur froide et terne Ne pouvant supporter cette sensation elle ne vint plus ces rộunions de jeunes Elle pensait qu'elle avait dộpassộ l'õge de la jeunesse et de ses ardeurs, que c'ộtait maintenant la jeunesse d'allumer ces feux, qu'il appartenait cette jeune gộnộration de continuer cette marche vers le but dont elle avait rờvộ Elle se sentit triste et xviii Footer Page 192 of 148 Header Page 193 of 148 dộsemparộe Aprốs la guerre, elle devint une toute autre personne, au comportement bizarre Elle reprit ses ộtudes de chimie La deuxiốme annộe de l'Universitộ Polytechnique accueillit avec quelque ộtonnement une ộtudiante grande, efflanquộe, au teint põle, aux cheveux clairsemộs, coupộs courts, qui avait toujours une cigarette aux lốvres Personne ne savait qu'une tempờte grondait dans le cur de cette femme Lorsque malgrộ tous ses efforts, Trung ne pouvait ộchapper une rencontre, il ộludait dộlibộrộment la question de la date de leur mariage Puisqu'il en ộtait ainsi, elle ne voulut pas de lui rappeler L'amour est une chose sacrộe qu'on donne et reỗoit et non une dette qu'on doit payer Dans la prison, ce dont elle avait eu le plus peur, ce n'ộtait pas d'ờtre torturộe, mais c'ộtait qu'il ne soit plus elle Comme sa vie serait vide sans lui ! Maintenant, cette chose qu'elle craignait le plus grandissait en elle Sa mốre, ộpuisộe par les longues annộes d'attente, s'ộtait ộteinte avant le jour de la victoire La paix revenue, Khanh ộtait complốtement orpheline Souvent la nuit, dans sa chambre de cộlibataire, l'usine oự elle travaillait, elle se levait d'un sursaut, branchait la lumiốre et se mettait contempler la paire de taies d'oreillers brodộes Con Dao Les larmes coulaient sur son visage Les fleurs et colombes, symboles de paix et de bonheur qu'elle avait brodộes avec amour se noyaient dans ses yeux Elle essuyait ses larmes sur ces taies nuptiales et se regardait dans le miroir La vue de cette femme aux traits ravagộs, mộconnaissables, la pộtrifia Ce n'ộtait plus elle, Khanh, mais un squelette dans une peau grisõtre ; les longs cheveux qui lui couvraient tout le dos ộtaient maintenant clairsemộs et coupộs courts Le stress, l'alcool, les cigarettes la dộtruisirent Elle ne savait depuis quand, l'alcool l'avait aidộ oublier le passộ Mais c'ộtait un beau passộ, pourquoi fallait-il qu'elle l'oublie? Dộchirộe par ce dilemme, elle se versait un nouveau verre Dans son ivresse, les articles, les photos de Trung parus dans la presse, ses paroles citộes la une sur les journaux lui revenaient en mộmoire Sa renommộe montait en flốche, Estimộ, adulộ, il ộtait devenu le hộros du mouvement estudiantin Quant elle, elle ộtait devenue silencieuse comme une ombre Elle redoutait les rencontres qui les mettaient tous deux mal laise ; voulant le dộlivrer de toute obligation envers elle, elle se rộfugiait dans un coin, oự elle serait oubliộe Dans son subconscient, elle souhaitait pouvoir revenir aux vieux jours sombres de prison oự, bien qu'ộloignộs l'un de l'autre, ils se sentaient toujours si proches, si ộtroitement scellộs l'un l'autre, oự il leur suffisait de penser l'un l'autre pour avoir des forces et la foi xix Footer Page 193 of 148 Header Page 194 of 148 Un soir, comme elle rentrait trốs tard, elle reỗut avec stupeur un faire-part, lui annonỗant la nouvelle du mariage de Trung avec Loan C'ộtait pourtant tout naturel, ils faisaient un si beau couple ! La famille de Loan ộtait riche et avait de l'influence, quel bon tremplin c'ộtait pour lui pour monter en grades et en honneurs ! C'est tout naturel ! C'est tout naturel ! Khanh ộclata de rire C'ộtait une nuit de pleine lune Comme une femme saoule Khanh sortit au balcon Le clair de lune ộtait ộthộrộ, sublime Elle souvint du clair de lune sur une terrasse, au temps oự Trung devait se cacher de la police, avec un bras plõtrộ et oự elle n'osait pas le quitter d'une semelle Parce qu'elle l'aimait, elle oubliait la mort qui la guettait Elle l'aimait plus qu'elle-mờme Il l'avait embrassộe passionnộment Il avait fait un serment et l'avait pressộe le faire elle aussi La lune ộtait dans toute sa splendeur Khanh ộtait alors trop jeune pour comprendre tout ce que ce clair de lune pouvait augurer de rupture et de sộparation La lune perdra sa rondeur, tout serment ne sera plus que mensonge Khanh rentra dans sa chambre et chercha les taies d'oreiller nuptiales Elle sortit et tendit bout de bras les carrộs d'ộtoffe blanche sous la lune Sur le fond blanc immaculộ de l'ộtoffe, apparurent les colombes, le soleil, les fleurs, les vers qui parlaient de serments, de certitude en des retrouvailles Qu'elle avait ộtộ stupide de croire tous ces mensonges ! Elle dộchira la taie en piốces, jeta la face de la lune, fleurs, colombes et serments Ses mains ộtaient en sang, elle les essuya le visage Ses larmes mờlộes de sang maculaient les taies blanches du souvenir Cette nuit d'antan, la lune avait ộtộ pleine aussi ; la diffộrence, c'est qu'ils ộtaient l'ộpoque ensemble sur la terrasse Sur le toit du building oự elle habitait prộsent, il y avait aussi une immense terrasse Ah oui, je dois monter l-haut, pour voir la lune de plus prốs, je veux revoir mon Trung des jours passộs, si calme et romantique, Trung qui m'a pressộe prờter serment ! Elle gravit les marches en chancelant, arrivộe la derniốre marche, elle s'empờtra dans sa longue chemise de nuit, perdit l'ộquilibre et dộgringola Elle reprit connaissance dans une chambre d'hụpital et reconnut les visages amis qui se penchaient sur elle Ils la regardaient d'un air stupộfait, comme si elle venait d'une autre planốte Soudain elle ộclata en sanglots Dieu ! Dire qu'en ces temps-l, elle ộtait la flamme du mouvement, qu'elle avait haranguộ la foule dans le champ des grenades lacrymogốnes, l'appelant la lutte pour le droit la vie Les ộtudiant avaient placộ toute leur confiance en elle et rộpondu avec enthousiasme son appel Comment pouvait-elle maintenant ờtre rộduite cet ộtat ? Jadis, la nouvelle de son arrestation, Lien, une de ses xx Footer Page 194 of 148 Header Page 195 of 148 camarades de la Facultộ de Math avait persuadộ un correspondant ộtranger nommộ Carrot et un avocat sympathisant prendre sa dộfense Lien avait mờme organisộ une manifestation d'ộtudiants pour exiger la libộration de Khanh Par leurs actions ộnergiques, Carrot et l'avocat avaient pu arracher Khanh temps des mains d'un bourreau prờt lui infliger une torture fatale Pendant les premiốres annộes difficiles d'aprốs-guerre, Lien ộtait restộe dans l'ộducation Elle avait enseignộ et partagộ avec Khanh toutes les difficultộs et privations Lien s'approchait d'elle maintenant et lui tendit la main Tu vas mieux ? demanda-t-elle, les yeux embuộs de larmes Khanh ne rộpondit pas, mais dit seulement : Je suis horrible voir, hein ? Mais non, tu es toujours belle, et tu deviendras toujours plus belle, j'en suis sure Ne me console pas ! Elle saisit son miroir, s'y regarda et jeta le miroir sur le carrelage Khanh! Lien, affolộe, fixa de ses yeux ộcarquillộs les dộbris de verre tranchants Khanh rit aux ộclats, tout son soul, comme elle n'avait jamais ri de sa vie Dans la crise fut passộe, elle dit d'une voix ộtrangement calme : Je ne mourrais donc pas Il me reste mes amis Pardonnez-moi Ce miroir est une partie de mon passộ, qui doit ờtre oubliộe Je referai ma vie partir de ce jour, elle dộcida de se soustraire la tentation de l'alcool et des cigarettes et se lanỗa dans les ộtudes Autrefois, occupộe par ses devoirs de militante, elle n'avait pas pu les mener terme Elle avait maintenant compris que seul le savoir et les connaissances pouvaient ờtre un atout solide dans la vie Dộsormais, elle devrait surmonter toutes les privations, tous les dộchirements de son õme pour se consacrer aux ộtudes l'Universitộ, la surprise et la joie furent gộnộrales devant les changements qui s'ộtaient produits en elle Celle qui se foutait de la vie, avait des maniốres de sauvageonne, s'ộtait mộtamorphosộe Elle devint plus ouverte, communicative, alerte et gaie Elle se mờlait facilement aux jeunes, avec naturel et sincộritộ Ses joues se ravivaient ; ses lốvres reprenaient leur ộclat Une nouvelle page de sa vie ộtait tournộe la fin de son annộe de Chimie, elle sortit laurộate et fit une thốse de doctorat durant les cinq annộes qui suivirent, xxi Footer Page 195 of 148 Header Page 196 of 148 avec pour simple thốme le silicate Pour quiconque en connaợt la valeur, le simple sable blanc qui tombe silencieusement de la main devient une matiốre extrờmement prộcieuse Elle fonda un Centre de Silicate Les contrats de production et de transfert de technologie lui rapportốrent de fortes sommes On parla d'elle avec admiration et amour Elle devint riche, mais vivait toujours dans la solitude Les gens disaient que son cur ộtait devenu de pierre, qu'aprốs le choc sentimental qui l'avait terrassộe, elle ộtait devenue frigide Elle se contentait de sourire Personne ne la comprenait Au cours d'un de ses voyages l'ộtranger, dans le cadre de ses ộtudes sur le silicate, par un hasard fortuit, elle revit Paris, Carrot, le correspondant ộtranger qui avait pris sa dộfense La joie de Carrot fut immense de la revoir toujours aussi belle et pleine de santộ Il exprima une sincốre tristesse en apprenant qu'elle vivait toujours seule Khanh sourit : Qu'y pouvons-nous ? dit-elle La vie est ainsi faite Je vous suis mille fois reconnaissante pour votre noble geste d'autrefois, quand vous avez osộ vous mettre nos cụtộs Votre article a eu un trốs vaste ộcho Carrot lui sera chaleureusement la main : En vous retrouvant, dit-il, j'ai pu vộrifier la justesse de ce qui n'ộtait encore pour moi qu'une impulsion Je reviendrai voir votre pays trốs prochainement Khanh se disait : Quel heureux hasard que ces retrouvailles ! Le monde est bien petit ! Le monde est petit certes, d'autant plus que Khanh et Trung vivaient toujours dans la mờme ville Les soirs oự Khanh rentrait tard, il lui arrivait de passer devant chez lui Le portail ộtait toujours hermộtiquement fermộ, immobile et silencieux, il y avait encore de la lumiốre dans sa chambre "Pourquoi est-il encore ộveillộ cette heure? Est-ce que quelque chose le tourmente ?" Mais elle eut un sourire railleur envers elle-mờme "Trờve de sensibleries !" Plusieurs fois elle l'aperỗut au volant de sa voiture, promenant sa femme et ses enfants Riche, possộdant tout ce qu'un homme pouvait souhaiter, situation, famille, femme, enfants De quoi pouvait-il encore se tourmenter ? C'est peut-ờtre maintenant l'homme le plus heureux de la terre Eh bien, fộlicitations, Trung, chacun sa vie, chacun son sort Vint un jour oự, lisant le journal, elle tressaillit devant un titre la une, en gros caractốres : "ESCROQUERIE" Linculpộe ộtait la femme de Trung Son cur se serra ; xxii Footer Page 196 of 148 Header Page 197 of 148 laissant tomber le journal de ses mains, elle resta pộtrifiộe pendant un long moment Elle nộprouvait aucun sentiment de satisfaction, ou de vengeance assouvie, mais seulement une peine immense ce moment-l seulement, elle comprit qu'elle l'aimait encore Comment pouvait-elle effacer en elle le souvenir des beaux jours passộs, bien que le serment ait ộtộ renvoyộ la lune, qu'une page de sa vie ait ộtộ tournộe Son cur souffrait toujours en silence, elle n'avait pu se dộbarrasser ni de son passộ, ni de ses souvenirs Quelle est la raison qui l'avait poussộe venir cette audience du Tribunal ? Elle ne le comprenait pas, n'osait pas se l'expliquer Lui, tờte baissộe, ne pouvait la reconnaợtre L'accusộe, elle, pleurait Ses larmes coulaient de ses joues ộclatantes de santộ Lorsque cette femme n'ộtait encore qu'une jeune fille, c'est ces mờme joues, telles de jeunes pờches toutes rondes et toutes fraợches que ce matin oự Khanh avait rejoint la terre ferme, lui avaient causộ un tel serrement de cur La vie est si douce, mais si sộvốre en mờme temps ! Cette femme n'avait peut-ờtre jamais pensộ qu'elle pouvait devenir un jour une dộlinquante, elle s'ộtait laissộe entraợner par l'appõt de l'argent, vers le gouffre du vice et elle ne savait depuis quand, ni lui non plus L'audience prit fin L'accusộe avait ộtộ condamnộe huit ans de prison Elle ộclata en sanglots Khanh sentit un ộtau lui serrer la poitrine Comment allait-il vivre, seul avec ses deux enfants en bas õge, avec le poids du passộ sur son dos ? Un passộ glorieux qu'il avait trahi, auquel venait s'ajouter un passộ plus rộcent, de honte et de dộshonneur Des larmes jaillirent de ses yeux, mouillant les verres de ses lunettes, larmes silencieuses que jamais il ne saura La foule se dộversait hors de la salle d'audience, avec de forts commentaires, d'indignation, de compassion Khanh fut la derniốre quitter le Tribunal La pluie venait de s'arrờter Le vent secouait les branches de tamariniers et le lộger clapotis des gouttes d'eau qui tombaient rộveillait en elle des souvenirs d'une indicible tristesse Sous ces feuillages, ils avaient marchộ cụte cụte, par ces rues oự avaient rộsonnộ les chants appelant la lutte des vieux jours Trung ne l'avait pas reconnue au milieu du courant de la vie Les gens se pressaient marchant l'un derriốre l'autre d'un pas affairộ Le serment n'est plus L'heure de la dộlivrance ộtait-elle venue pour elle ? Non, prisonnier du passộ, son cur restait lourd Mais que faire, puisque telle est la vie ? La pluie lavera les poussiốres, le temps pansera les blessures Il portera sa croix comme elle avait dỷ porter la sienne, mais son cur de xxiii Footer Page 197 of 148 Header Page 198 of 148 femme, gộnộreux et fier lui confiait tout bas qu'elle ne pouvait pas le laisser son sort Elle mit les gaz de son vộlomoteur, la machine rugit et fonỗa comme une flốche xxiv Footer Page 198 of 148

Ngày đăng: 08/03/2017, 03:53

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